D'où vient l'analyse de discours ?
• L'analyse du discours renvoie à « la discipline qui étudie les productions verbales au sein de leurs conditions sociales de production. Celles-ci sont en analyse du discours, envisagées comme parties intégrantes de la signification et du mode de formation des discours » (2003, p.194).
• L'analyse du discours est une nouvelle discipline apparue dans les années soixante, et qui se trouve aujourd'hui au cœur de l'ensemble des sciences humaines et sociales.
• Discipline connexe de la linguistique qui étudie la structure d'un (discours) en le rapportant à ses conditions de production.
• On ne peut analyser un discours sans le rapporter à ses conditions de production : situation de communication conjoncture historique cadres institutionnels, des appareils idéologiques.
• L'analyse du discours est une technique de recherche en sciences sociales permettant d'analyser l'articulation du texte et du lieu social dans lequel il est produit.
En tant que notion, l'analyse du discours est le fruit d'une longue histoire et avant d'atteindre le point culminant de son succès, elle a connu de grandes mutations.
Au-delà des bornes linguistiques traditionnelles : critiques et refus des méthodes étroites et perspectives élargies.
Ferdinande de Saussure, avait comme but premier de cerner le langage sous un angle scientifique. À cette fin, plusieurs concepts ont été développés dont l'un des principaux est la dichotomie langue/parole. Selon Saussure, c'est cette dualité qui forme le langage humain : la première représente la partie « systémique, abstraite et communément partagée. » (Fortin, 2004, p.38)[1], tandis que la seconde renvoie à la mise en œuvre concrète et individuelle de la langue. Il faut toutefois noter que la linguistique saussurienne s'est préoccupée de la langue et non pas de la parole, elle avait comme mission essentielle l'étude des différents domaines de la langue (syntaxique, morphologique, phonétique, etc.) par la description qui se fait à la fois sur l'axe synchronique et diachronique.
Quelques années plus tard, la linguistique s'est retrouvée confrontée à ses limites pour ouvrir la voie à d'autres recherches. L'analyse du discours trouve son origine dans les critiques faites à la linguistique moderne qui se limite à la description et le découpage de la phrase.
La Révolution Harrisienne face aux fondements de la linguistique traditionnelle
Zellig Harris (1909 -1992), le fameux linguiste américain, donne la dénomination «analyse du discours », en 1952, dans son article « Discourses analysis » publié dans la revue américaine Language. C'est ainsi que la linguistique propose une analyse qui dépasse le cadre de la phrase, considérée comme la plus grande unité de la description linguistique en la soumettant l'unité transphrastique ou texte à des méthodes de la linguistique distributionnelle américaine : pour la première fois, la linguistique propose une analyse qui dépasse le cadre de la phrase, jusqu'alors considérée comme la plus grande unité de la description linguistique.
En vue de rendre compte de l'organisation morphosyntaxique d'un discours, Harris a proposé une méthode d'analyse dont les pratiques consistaient à décomposer les unités structurales à l'intérieur d'un texte pour ensuite identifier les règles régissant leurs relations. Le processus d'analyse, suivant cette logique, s'achève par la mise en rapport du discours soumis au décryptage avec ses données sociales. Cette démarche a été expliquée par son fondateur comme suit :
« L'analyse du discours donne une foule de renseignements sur la structure d'un texte ou d'un type de texte, ou sur le rôle de chaque élément dans cette structure. La linguistique descriptive ne décrit que le rôle de chaque élément dans la structure de la phrase qui le contient. L'analyse du discours nous apprend de plus comment un discours peut être bâti pour satisfaire à diverses spécifications, exactement comme la linguistique descriptive construit des raisonnements raffinés sur les façons dont les systèmes linguistiques peuvent être bâtis pour satisfaire à diverses spécifications.» (Harris, 1952, p.45)[2]
3. Années 1960-70 : L'école française d'analyse du discours et l'émergence de l'AD : une sorte de psychanalyse du discours (Jean Dubois, Michel Pêcheux , Michel Foucault)
Fondateur | Objet d'étude | Contribution | Objectifs |
Jean Dubois | Vocabulaire social et politique en France | Lexicologie structurale, analyse du lien lexique et société | Élargissement de l'analyse du discours à tous les types de textes, articulation du discours avec la situation sociohistorique. Thèse sur le vocabulaire politique et social en France de 1869 à 1872. |
Michel Pêcheux | Analyse automatique du discours | Déconstruction des discours, inspiré par marxisme, linguistique structurale, et psychanalyse de Lacan | Mettre en place une méthode perçue comme une psychanalyse du discours. Collaboration avec le laboratoire de la psychologie sociale du CNRS. |
Michel Foucault | Pratiques discursives dans une perspective historique | Développement de l'archéologie du savoir, rôle central à la notion d'archive | Mettre en évidence que la parole est une pratique sociale, critique des fondements de l'analyse distributionnelle. Théorie dans "l'archéologie du savoir". |
La Révolution française et le mouvement de Mai 1968 ont contribué à façonner l'École française d'analyse du discours en créant un contexte propice à l'émergence de nouvelles approches intellectuelles. Ces événements historiques ont influencé la manière dont les chercheurs ont abordé l'analyse du discours, en mettant l'accent sur la dimension politique et idéologique, caractéristique fondamentale de cette école. L'École française d'analyse du discours a ainsi émergé dans les années 1960-70, portée par une collaboration entre la linguistique, la psychanalyse et la sociologie avec un intérêt particulier pour l'analyse du discours politique.
L'AD de cette période se veut une psychanalyse du discours : son objectif est de découvrir l'idéologie qui se cache sous la matérialité discursive (mots, syntagmes, phrases, etc.). Ce choix se traduit par le privilège accordé à l'analyse du discours politique.
La mise en place d'un nouveau dispositif appelé « l'analyse automatique du discours » (1969). Le principe de base de cette méthode consiste à déconstruire les discours dans le but de dévoiler l'idéologie qui se cache derrière ses composants linguistiques. Autrement dit, l'objectif principal de l'analyse automatique du discours est d'extraire des informations significatives à partir de textes, que ce soit pour comprendre des structures linguistiques ou pour mettre l'accent sur les tendances idéologiques.
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